Trois minutes de silence… qui ont fait du bruit

Vendredi 14 septembre 2001, 12h00. L'Europe arrête ses activités, durant trois minutes, en solidarité avec les USA... Trois petites minutes qui n'ont pas toujours fait l’unanimité et qui méritent réflexion !

Pour qui ?
Pour toutes les victimes innocentes d'un massacre odieux, innommable. Pour leurs familles, leurs proches et leurs, amis, brutalement touchés au plus profond de leurs affections. Pour un peuple qui, par deux fois au cours du siècle passé, nous a aidé  à recouvrer la liberté, même si, depuis, ses dirigeants agacent, irritent, fâchent souvent, par des comportements et décisions égoïstes, tantôt isolationnistes, tantôt interventionnistes, selon les intérêts du moment.

Pourquoi ?
Parce que nous avons été bouleversés par la violence gratuite (?) et criminelle des moyens employés pour défendre une cause. Parce que nous avons admiré le courage tranquille des pompiers et des secouristes, morts au « champ d'honneur » en accomplissant un job dangereux et une passion viscérale. Parce que nous avons été émus par les messages ultimes que des hommes et des femmes, se voyant au seuil de la mort, ont adressés, qui à sa mère, qui à son époux, pour leur dire combien ils les aimaient.
Mais surtout, sans doute,  parce que, minute par minute, heure après heure, en «mondiovision», en « direct », en «  grandeur nature » nous avons été les spectateurs d'un film d'horreur encore plus réaliste que ceux qu’affectionnent certains amateurs d'émotions fortes.

Mais alors ...
C’est parce qu'elles n'ont pas « la chance » de faire la une de l'actualité, de souffrir et de mourir « en life », que Ies victimes d'autres drames, conflits, guerres, discriminations, exploitations de toutes sortes ne peuvent revendiquer, elles aussi, trois minutes de silence et solidarité ?
N'ont-ils droit qu'à un flash dans l'information avant de passer «sans transition» à autre chose, à l'indifférence, à l'oubli, ces villageois algériens égorgés par des fanatiques, les enfants irlandais qui vont à l'école entre deux murs de haine, les gosses victimes des Dutroux du monde entier, les populations opprimées d'Afghanistan, du Tibet, de Birmanie, de Corée du Nord, du centre de l’Afrique, du Kurdistan, les réfugiés et les victimes de nos guerres européennes, les rejetés de notre système économique axé sur la rentabilité et le profit a tout prix ?... J'en oublie, et des pires, la liste est tellement longue !

Pourquoi pas ?
Et si, alors, chaque jour, à un moment qui lui convient, chacun de nous observait trois  minutes de recueillement, individuellement, sans tambour ni trompette? Pourquoi?... Pourquoi pas ?...
En solidarité avec les oubliés des médias, qui souffrent, pleurent et meurent en silence ou en poussant des appels au secours que nous n’entendons pas ou plus. Pour exprimer notre gratitude à celles et ceux qui consacrent de leur temps, voire leur vie au service des plus démunis. Pour dire et montrer à ceux qui nous sont chers que nous les aimons...

Trois minutes qui, a défaut de changer la face du monde et le cours des choses, modifieraient peut-être le regard que nous portons sur les événements et nous rendraient plus sensibles aux peines et aux joies de nos voisins de palier sur la terre des hommes, sans attendre que la télé nous abreuve d'images sensationnelles et écoeurantes de voyeurisme.
Trois minutes de prière, diront certains ; pour beaucoup d'autres, trois minutes d'humanité, tout simplement ; trois minutes, le temps de créer une immense chaîne de solidarité, une chaîne des coeurs et plus seulement une vulgaire chaîne télé !


Bruno Heureux
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