Bulletin 2015 de l'Europe : peut mieux faire !
 

                Pour connaître l’opinion de ses citoyens sur le bilan 2015 de l’Europe actuelle, il n’est pas nécessaire de la parcourir en tout sens ; la simple rencontre de nos « p’tits Belges », la lecture des réseaux sociaux et les contacts réguliers avec des amis d’autres pays attestent un profond scepticisme quant à la valeur ajoutée de notre continent tant à la vie de chacun de ses citoyens qu’à celle de la communauté planétaire. « Bordel, pétaudière, panier de crabes, foire d’empoigne, chacun pour soi… » sont les termes les plus employés, quelles que soient les langues utilisées.

              Comment pourrait-on donner tort à ces Européens - de fait, pas de cœur,  cela se sent - ? en se remémorant la liste qu’ils dressent d’événements politiques, économiques et sociaux, tous images en gris et noir d’une morne rétrospective des douze derniers mois… Deux exemples concrets.

                 D’abord, la crise ukrainienne, symbolisée  par l’annexion de la Crimée et la mise sous tutelle, par la Russie, d’une partie de ce pays toujours en guerre civile larvée mais meurtrière ! Des déclarations mâles et musclées de quelques ministres des affaires étrangères (pas tous), les déplacements médiatisés et peu efficients du couple de l’année, Angela et François, autoproclamé moteur de l’Europe, les intimidations de l’Otan… n’ont pas empêché le dictateur du Kremlin de se moquer, comme de son premier pampers, des « initiatives (?!) » et menaces   de l’Europe. Résultat : des sanctions économiques qui ont certes touché le peuple russe mais aussi, par ricochet et sérieusement, une série d’entreprises européennes comme les producteurs de fruits ; mais encore et plus grave à long terme, elles ont contribué à renforcer l’alliance Chine-Russie !!! Bravo ? Bien joué ? Efficace ? Vous voulez rire ?!?! Non, bien au contraire, lamentable, ridicule et inconséquent.

                Ensuite, la crise grecque que l’Union européenne, le FMI et de nombreuses banques européennes et mondiales ont tolérée, entretenue et développée avant de la stigmatiser ! Une crise qui a débouché sur un étranglement encore plus violent du peuple hellène au terme d’une longue série de pressions, menaces et chantages éhontés à l’égard de la Grèce de la part de la plupart de ses « frères et amis » européens !

               La différence de traitement de ces deux crises par l’Union européenne est significative du manque de crédibilité, de l’inconstance et de l’incohérence de l’Europe actuelle. Là où elle aboie et mord cruellement un de ses enfants, elle se défile, la queue entre les jambes, face à un agresseur qu’elle n’a pas réussi à raisonner ou même à intimider.

 

                Ceci étant dit, ce sont  pourtant les attentats liés au djihadisme et l’arrivée massive des migrants  qui ont surtout marqué les Européens d’en bas au cours de 2015, les deux souvent liés dans le subconscient collectif de façon irrationnelle et injustifiée.

              Les attentats contre Charlie Hebdo et ceux de Paris en novembre dernier ont forcé le constat d’une Europe aux frontières passoires, incapable d’empêcher les terroristes, notamment connus des services secrets, de pénétrer et de circuler librement en son sein. Le manque flagrant et incompréhensible de communication entre les états, les services de renseignement, les polices, les justices… heurte le bon sens des citoyens qui se demandent comment les dirigeants européens n’ont pas pensé plus tôt à intégrer ces diverses facettes de la sécurité.

              Quant aux migrants fuyant les guerres et les discriminations religieuses et/ou raciales pour trouver refuge chez nous, ils se trouvent confrontés à une (dés)Union européenne déchirée entre états pratiquant l’accueil concret, d’autres l’accueil de principe mais pas chez eux et certains le rejet brutal. Face aussi à une population européenne a priori réticente à l’accueil, parce que de plus en plus contaminée par la peur de l’inconnu, surtout arabe et/ou musulman, un amalgame simpliste et le plus souvent inexact entretenu par les propos populistes et haineux de certains chef d’état, de gouvernement et de partis de plus en plus ouvertement xénophobes : « Beaucoup de terroristes profitent des flux migratoires pour pénétrer chez nous et commettre des attentats… Vos impôts servent à payer le logement, la nourriture, les soins de santé de parasites de notre société… ces gens viennent prendre vos emplois, vont obliger vos femmes à porter le voile et imposeront la nourriture hallal dans toutes les écoles… »

 

                Et pourtant, dans ce tableau sombre, des lueurs d’espoir pourraient éclairer l’année qui s’ouvre et les suivantes. D’abord, des citoyens et mouvements citoyens ont spontanément désavoué les comportements racistes et xénophobes en organisant un accueil humain et humanitaire des réfugiés arrivant chez eux ; d’autres se sont investis dans l’apprentissage de la langue locale aux enfants et adultes ; d’autres encore ont accueilli des Syriens à l’occasion de la fête de Noël ; les scouts de Belgique ont mis leurs locaux à disposition pour loger des migrants sans-abris…

              Certains quartiers et banlieues, stigmatisés comme « nids de terrorisme », ont démontré que, depuis longtemps, sur le terrain, leurs nombreuses initiatives, aujourd’hui encore renforcées, favorisent une vie multiculturelle au sein d’une vraie communauté urbaine. Les autorités religieuses de l’Islam, du Judaïsme et du Christianisme se sont associées aux représentants de la laïcité pour dénoncer discours, préjugés et comportements à caractère discriminants voire haineux et pour inciter tous les citoyens de toutes les opinions et confessions à ouvrir  leur porte et leur cœur à des gens en détresse qui ne demandent qu’une chose, vivre en paix.

            Certains responsables européens semblent avoir enfin compris qu’une meilleure intégration de nombreux secteurs d’une société démocratique digne de ce nom, notamment la vie sociale et multiculturelle, l’éducation et la sécurité, doivent être gérés par des organes européens ; en collaboration avec les états, certes, mais avec le droit d’imposer à ces derniers les décisions jugées adéquates et indispensables. De plus en plus de mouvements, comme Stand Up For Europe, oeuvrent pour que l’action et le rayonnement de l’Europe se basent sur une vision et une politique à long terme ; prévoir et agir plutôt que devoir réagir ; trouver des solutions fondées et durables aux problèmes rencontrés et pas simplement des réponses données au coup par coup et dans le sauve qui peut ; mieux informer les populations, en termes simples, clairs, compréhensibles par l’Europe d’en bas, sur les obstacles rencontrés, les décisions prises, le pourquoi de ces décisions, le but qu’elles visent et le rôle actif que chaque citoyen européen doit tenir pour que leur application soit efficace.

               Alors que trop de gens en ont payé un prix exorbitant - leur vie, leur sang, leur déracinement, leur dignité - , si les bourgeons d’espoir évoqués ci-dessus fleurissent l’an prochain, l’année 2015 aura été utile à l’Europe et au monde... à condition de ne pas oublier le passé récent pour espérer développer un monde meilleur, autour de soi et même ailleurs ! Pure utopie ? Non, c’est réalisable, à condition de le vouloir et de s’en donner les moyens !



  

01.01.2016
Bruno Heureux
Membre du comité de soutien de Stand Up of Europe