Depuis
une quarantaine d'années et, notamment, depuis la fusion des
communes,
il faut bien constater que la vie associative et communautaire
traditionnelle
des villages tend, parfois fortement, à diminuer.
Effilochement
progressif
Administrativement d'abord
: rationalisation oblige, il faut se rendre « à la
ville» pour
remplir ou retirer le moindre papier officiel ; fini le temps ou les
bourgmestre,
échevins, secrétaire, receveur, garde-champêtre,
cantonnier...
communaux étaient des voisins, des amis, parfois, qui
n'hésitaient
pas à régIer certains problèmes chez vous, devant
une d'jate de
café, un pékè ou une bonne pinte...
Religieusement
parlant également
: la pénurie de prêtres a rendu maintes paroisses
orphelines
d'un curé résidant dans le village ; même les
vicaires itinérants
se font rares ; les presbytères ont été
loués, les
églises sont, la plupart du temps, fermées en dehors des
offices; le catéchisme est réduit à sa portion
congrue ;
la messe unique du dimanche (et encore, pas tous les dimanches), les
célébrations
sans prêtre, animées par des laïcs, la seule messe un
soir en semaine, les baptêmes groupés, ont remplacé
les deux messes
dominicales, le saIut, la messe quotidienne, les baptêmes du
dimanche
après-midi, la formation suivie des futurs communiants...
La succursale locale
d'une
banque, les quelques permanences d'une mutuelle, le bureau du
comptable,
la plupart des petits commerces dont, notamment, le café du
coin,
ont très souvent fermé leurs portes, ne résistant
pas aux
lois de la rentabilité, de la concentration et à la
multiplication
des grandes surfaces dans des zones commerciales de plus en plus
nombreuses,
attrayantes, proches, et aisément accessibles en voiture.
Même La Poste
se
«modernise» ! Avec «Géoroute
»,
adieu le temps où le facteur, sur son vélo lourd et
poussif,
pouvait
se permettre de discuter le coup avec un villageois, de prendre le
temps
de passer acheter un médicament pour un «client»
âgé ou de lui repiquer six bégonias, en
échange d'une boisson
chaude, l'hiver, d'un verre rafraîchissant, en
période
de forte chaleur, et d'étrennes généreuses au
Nouvel
An.
Si à cela, on
ajoute
la
télévision omniprésente, le travail
«obligatoire»
des deux membres du couple pour faire face aux échéances
liées à ses emprunts, la création de quartiers
résidentiels
qui ressemblent surtout à des cités-dortoirs, les
vacances à
l'étranger, hiver comme été, un certain
égoïsme accentué
par la recherche d'un confort chèrement acquis... on comprend
pourquoi
la vie sociale, les contacts entre les personnes, les soirées
passées
avec les voisins, sur le pas de la porte ou autour d'un banc rustique,
la convivialité, ont tendance a disparaître si ce n'est
pas
déjà le cas.
Vision
pessimiste, passéiste? Que non, mais réaliste.
La vie des villages
Qui anime encore nos villages? Les natifs de l'endroit? lIs
le reconnaissent eux-mêmes, ils sont l'exception, laissant le
plus
souvent à des «étrangers », comme ils disent,
le
soin
de perpétuer certaines traditions, de promouvoir le patrimoine,
de protéger l'environnement. Puisque le clergé
manque, quelques rares laïcs dévoués tentent
d'assurer,
tant bien que mal, un maximum de services... en attendant que,
tôt
ou tard, par manque de bras, l'essentiel de l'animation des anciennes
paroisses
se centralise autour du clocher décanal et de son pasteur
isolé.
Le repas de
quartier, ici,
l'animation de Noël, là-bas, la fête annuelle du
village organisée
par un comité local, le souper d'un club, le repas annuel d'une
association,
quelques manifestations sportives, un journal mensuel de la paroisse et
du village... témoignent de la volonté de quelques uns de
sauver, de dépoussiérer, de relancer ce qui peut
l'être
pour redonner au village une vie sociale active, où la
solidarité,
l' échange et l'amitié retrouvent une place importante.
Comment faire mieux
encore,
sinon en encourageant toutes les initiatives, en favorisant toutes les
occasions, en mettant en valeur tous les endroits où les
personnes se
rencontrent
et partagent tout simplement, quelques heures durant, leurs
préoccupations,
soucis et joies.
Bruno
Heureux
Extrait
d'un article paru dans Rencontre de septembre 2005
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