Vieillir
? L’art où elle excelle !
Rencontre
avec Andrée Defoer
A vous
voir, Mesdames, je constate que la vieillesse n’est pas une tare mais
un
art. ! » Cet extrait de mon dernier spectacle fait rire surtout
quand
j’ajoute perfidement « un vieil art ! ». Aujourd’hui, je
n’ai
pas envie de rire et je suis on ne peut plus sérieux car la
personne
d’âge respectable dont je vous parle cultive l’art de vieillir
avec
un talent qui frise excellence. Alain Bronckart m’avait prévenu
: « Tu verras, Elle est géniale ! » Un tel
compliment
énoncé par un connaisseur en la matière m’a donc
incité
à rendre visite à « ce génie au
féminin
».
Son
adresse ? La Tonnelle de Hannut ! Oui, vous avez bien lu ! Non, ce
n’est
ni une jeune aide-soignante ni une kiné stagiaire ni une
visiteuse
régulière de son grand-père pensionnaire, mais
tout
simplement une résidente. Andrée Defoer, occupe en effet
un des petits appartements deux pièces où son mari et
elle
ont aménagé il y a moins d’un an, un appartement dont
elle
a transformé une pièce en atelier depuis le
décès
de son cher Raymond. Menue et délicate, en hôtesse de
classe,
elle accueille avec un sourire réservé le
représentant
de la presse que je suis, à qui elle a beaucoup à dire
sur
sa vie et sa passion récente. Quelques minutes suffisent
à
nous mettre à l’aise l’un et l’autre, le temps de contempler une
première fois son travail artistique et de sortir calepin, stylo
et appareil photographique.
Directrice
d’école primaire
A
peine posée une première question sur sa vie
professionnelle
et le passé, encore bien présent dans sa mémoire,
défile dans la pièce décorée de ses œuvres
et de souvenirs d’une vie riche en rencontres et découvertes.
Elevée
en France, où elle effectue sa scolarité primaire, la
jeune
fille rejoint la Belgique pour entrer directement à
l’école
normale de Jodoigne d’où elle sort le diplôme
d’institutrice
primaire en main. Très vite, elle est nommée directrice
d’école
: il faut dire qu’en période de guerre, les femmes, même
très
jeunes, sont appelées à remplacer les hommes sous les
drapeaux
ou prisonniers en Allemagne ; cette fonction Andrée Defoer la
remplit
avec brio jusqu’à ses 50 ans, moment où, comme l’y
autorise
la législation de l’époque, elle prend sa retraite
après
plus de trente ans de bons et loyaux services.
Formations
artistiques
Son
mari et Andrée s’installent alors à Thon-Sanson, dans une
superbe maison dont une reproduction, sous forme de tableau, orne un
des
murs de l’appartement. Très vite se pose au couple la question
qui
interpelle la plupart de nouveaux retraités : « Que faire
pour ne pas s’ennuyer ? » La réponse sera
trouvée
grâce à une rencontre qui va déclencher un
mécanisme
irréversible, celle d’une connaissance qui fréquente
l’Ecole
des Beaux-Arts de Namur. Raymond, le mari, qui a toujours eu envie de
sculpter
est le premier à s’inscrire dans cette école où il
trouve le bonheur dans la création. Quelques mois plus tard,
Andrée
franchit le pas à son tour ; elle suivra dans cette école
diverses formations qui lui permettront de développer le sens
artistique
qui couve en elle. Six années de gravure, certifiées par
un diplôme décroché avec «
félicitations
du jury », cinq années de dessin, un cours
pluridisciplinaire
destiné à développer la créativité
et
le savoir-faire dans les diverses techniques apprises, le travail du
verre
avec or véritable ou dorure, la rencontre avec une artiste
chilienne
de renommée internationale où les échanges
artistiques
et humains comblent les deux femmes… Si on ajoute à tout cela
une
formation musicale en Académie, avec, cette fois encore, un
diplôme
obtenu avec « grande distinction », on comprend que la
retraitée
ne perd pas son temps et étanche sa soif de découvertes
et
de savoirs avec une avidité sans cesse renouvelée.
Touche
à tout avec bonheur
Aujourd’hui,
notre artiste peint également. Avec quelle formation ? Aucune !
Se fiant simplement à son feeling, elle laisse couler sur la
toile,
le papier, le carton, les ressentis d’une âme nourrie aux
lectures
des poèmes de Rimbaud et de Verlaine. La méthode doit
être
bonne car ses peintures réussissent, notamment, à
exprimer
les liens divers qui ont uni ces deux poètes, amitié,
d’abord,
animosité ensuite. D’autres toiles jouent avec les couleurs
vives,
sorte de patchwork du plus bel effet. Des créations à la
limite entre le figuratif et le non figuratif attirent aussi le
regard.
Mais
à côté de la peinture où Andrée
Defoer
utilise tout ce qui lui tombe sous la main comme support et comme
média,
l’artiste laisse vagabonder son imagination, se laissant aller à
des expériences inédites et/ou uniques, avec des
matières
jamais associées jusqu’à ce jour et aux résultats
parfois étonnants et d’une réelle esthétique.
Comment
ne pas apprécier ses livres de toiles et de grillage ? Un fil de
fer, des perles, de la toile, de la terre maléable… tout est bon
à expérimenter, du moment que le matériau sert
l’œuvre
née d’une idée, géniale ou farfelue, peu importe,
de sa créatrice.
Jeunesse,
dynamisme, audace
Cette
continuelle recherche, dans l’inédit, l’audace et hors des
sentiers
battus, donne l’image d’une artiste jeune, dynamique, en révolte
avec les règles établies. Au fond, définir
Andrée
Defoer peut se résumer en quelques mots : une artiste
personnelle,
jeune de cœur et d’esprit, enthousiaste au début de son
cheminement
artistique, mais à qui son âge vénérable
(qu’elle
me pardonne !) autorise à tous les excès en
matière
de création, car elle se moque de ce que les critiques
pourraient
penser, du moment qu’elle prend du bon temps et du plaisir…
Un
plaisir qu’elle partagera avec le public dès le vernissage de
son
exposition à la Galerie Mottin, le 12 décembre prochain
jusqu’au
12 janvier 2009. Une exposition unique en son genre,
pluridisciplinaire,
aux facettes multiples, révélatrice d’une dame qui, avec
un talent et un art consommés, sait transformer son
troisième
âge en une seconde jeunesse. Mes respects, Madame.
Bruno « Heureux »
d’une superbe rencontre.