Auto, boulot,
impôts !
Ce matin là, vers 6h50, je croise dans les
rues de Hannut deux jeunes garçons, trop jeunes encore pour
fréquenter le secondaire et, pourtant, déjà sur la
route. La mallette sur le dos, lourde apparemment, ils se dirigent vers
leur école où, sans doute, les attend « la
garderie ». Et peut-être, en fin de journée,
seront-ils parmi les derniers à quitter l’établissement,
après 18h… Ceci est symptomatique de notre époque.
Des enfants quittent la maison très tôt
et y rentrent tard le soir parce que leurs parents doivent travailler
tous les deux pour subvenir aux besoins de leur famille. Faut-il envier
ces couples dont les deux conjoints ont la chance d’avoir du travail
quitte à devoir laisser leur progéniture livrée
à elle-même? Que penser de ces moments importants de la
journée, la préparation du départ et l’accueil du
retour, sacrifiés sur l’autel de la précipitation et du
vite fait mal fait ? A force de réduire au strict minimum
le temps consacré aux aides et conseils pour les devoirs, les
relations lors d’un repas partagé dans la quiétude et
à l’écoute, aux confidences partagées entre
adultes et enfants… comment s’étonner que la famille
réponde mal aux besoins des enfants et que trop de jeunes vivent
mal une course incessante tout au long de la journée, de la
semaine et de l’année ?
Poser ces questions, ce n’est pas juger les parents
que notre mode de société contraint à adopter un
rythme de vie effréné quitte à sacrifier des
moments essentiels dans l’éducation des enfants et adolescents.
Leur laisse-t-on d’autre choix ? « Travailler plus pour
gagner plus » est un slogan bien à la mode
actuellement. Mais quel est son prix ? Exorbitant souvent, celui
de l’équilibre éducatif et affectif des jeunes
générations. Un slogan, c’est bien, tape à l’œil,
mais ceux qui le propagent en évaluent-ils vraiment toutes les
conséquences, visibles ou pernicieuses ? J’en doute parfois
et je ne suis pas le seul ! « Travailler mieux pour
vivre mieux » ne serait-il pas plus humaniste, plus
respectueux des gens ?
Vitesse sanctionnée et
vitesse obligatoire
Je l’avoue, je viens de payer un PV pour avoir
dépassé par inadvertance une limitation de 50km/h.
J’assume et regrette de ne pas toujours être assez attentif
à certains panneaux ; d’autant plus, qu’à mon
âge, la vitesse est en général la dernière
de mes préoccupations ; queue de poisson, coups de klaxon,
appels de phares et, même, doigts d’honneur, sont monnaie
courante pour le papy du volant que je suis devenu. Mais, enfin, PV
mérité, amende payée, rien à dire
là-dessus !
Cet événement, banal en soi, m’a
pourtant interpellé à deux niveaux. Le premier : il
est paradoxal de veiller à la sécurité sur les
routes, à la santé des usagers en sanctionnant,
justement, ceux qui roulent trop vite alors que la devise actuelle de
notre société serait plutôt du genre
« toujours plus vite » . Tous les secteurs
de l’activité économique forcent les gens à
produire toujours plus vite sans se soucier de leur santé :
fatigue chronique, stress, maladies, accidents, décès
prématurés et suicides augmentent
considérablement, avec toutes les conséquences
négatives pour l’environnement immédiat de ceux qui en
sont victimes et pour l’ensemble de la société, notamment
en ce qui concerne les absences au travail et les frais
médicaux ! « Rien à voir »
diront certains ? Sans doute changeront-ils d’avis le jour
où, à leur tour, ils feront les frais d’un tel rythme de
vie inhumain !
Le deuxième est un simple constat : il y
a plus de 10 ans, notre famille a été victime d’un
cambriolage à domicile ; plainte a été
enregistrée par la police. A la même, époque, un de
nos fils a été victime d’une sauvage agression en pleine
ville, forcé, sous la menace de couteaux, de livrer à ses
cinq assaillants sa carte de banque et son n° de code. Là
aussi, plainte a été déposée auprès
des responsables de la sécurité publique. Depuis, aucune
nouvelle concernant ces deux affaires ne nous est parvenue… pas un mot,
pas le moindre frémissement d’une information… Aucun rapport
avec mon récent PV ? Pourtant, les gens au simple bon sens
bien terre à terre ne manqueront pas de constater perfidement
qu’il est plus aisé de dresser des PV pour excès de
vitesse que de retrouver des malfaiteurs qui mettent aussi en danger la
sécurité de leurs concitoyens. Et si l’on consacrait
à la prévention contre la
« petite » criminalité une partie de la
somme dépensée pour l’achat de ces radars qui commencent
à pulluler un peu partout. Raisonnement simpliste ?
Peut-être mais pas dénué d’un vrai fondement ?
Le temps du trompe l’oeil
Le temps d’une campagne électorale, au cours
de laquelle je me suis imposé de ne pas intervenir, j’ai
observé les candidats, les partis qu’ils représentent,
leurs programmes et promesses. Je pourrais, aujourd’hui, faire nombre
de commentaires en sens divers sur ces différents sujets. Je me
limiterai à deux.
Le premier concerne le paraître.
Quelques candidats sont de véritables spécialistes du
trompe-l’œil, tentant de donner au public une trop belle (et fausse)
image d’eux-mêmes. Par exemple, quel cirque effectué par
l’un et/ou l’autre pour figurer sur une photo avec Nicolas, Sarkosy
et/ou Hulot, François Bayrou, Ségolène Royal, le
Dalaï-Lama, les Souverains … Quelle imagination pour faire
apparaître ces photos lors des interviews
télévisées ? Ces candidats sont-ils si peu
sûrs de leur propre valeur qu’ils en éprouvent le besoin
de profiter du soleil, de la gloire de vraies
« stars » de la politique ? Dans le
même ordre d’idée, avez-vous remarqué aussi que les
affiches électorales ont tendance à rajeunir certains
candidats, en leur retirant quelques années, rides, kilos
excessifs, cheveux gris… Ah ! Paraître ! Et le
fond ? Pas le fond de teint, non, le fond, le programme ! Pas
les slogans, mais ce qui va influencer la vie des gens. ?
Le second commentaire. Quand la loi
électorale interdira-t-elle de tromper sciemment les
électeurs en permettant aux futurs élus de se
présenter à des scrutins tout en sachant qu’ils ne
siégeront pas en cas d’élection, en donnant la
possibilité de ne pas terminer un mandat en cours
d’exécution ? Quand les partis cesseront-ils de fausser le
jeu démocratique en donnant aux « fils et filles
de » des places privilégiées qui repoussent
à l’arrière-plan d’autres candidats parfois plus
valables, en faisant des promesses démagogiques impossibles
à tenir, en salissant l’adversaire par des photos
truquées, des rumeurs et autres mensonges…
Pourquoi ces dernières réflexions
apparemment désabusées ? Parce que je crois que la
démocratie, une dame noble et respectable, mérite mieux
que le vêtement de médiocrité et de bassesse dont
certains l’affublent aujourd’hui… Est-ce que je rêve ?
Bruno Heureux
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